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Troubles alimentaires chez l'enfant et l'adolescent : les signes qui doivent alerter
le 23/12/2025
Troubles alimentaires chez l'enfant et l'adolescent : les signes qui doivent alerter
Les troubles des conduites alimentaires (TCA) chez les jeunes sont une réalité médicale préoccupante qui touche de nombreuses familles. Selon l’Assurance Maladie, c’est actuellement la 2ᵉ cause de mortalité chez les 15-24 ans. Pour mieux comprendre ces pathologies et savoir comment les détecter, nous avons interrogé la Dr Martinez-Mora, psychiatre spécialisée dans les TCA, et Camille Guislain, directrice de la clinique d’Yveline, accompagnant des patients atteints de ces troubles.
Trois pathologies principales et leurs variantes : anorexie, boulimie, hyperphagie boulimique…
Les troubles des conduites alimentaires (TCA) désignent des maladies psychiatriques caractérisées par une relation perturbée à l’alimentation, au poids et à l’image corporelle. Camille Guislain identifie trois grandes catégories de TCA :
- L’anorexie mentale, marquée par des restrictions alimentaires, une peur de prendre du poids et une image corporelle déformée.
- La boulimie, qui associe épisodes d’ingestion massive de nourriture et comportements compensatoires (vomissements, jeûne, sport excessif…).
- L’hyperphagie boulimique, caractérisée par des crises alimentaires sans comportements compensatoires.
Chez l’enfant, on peut également rencontrer des troubles spécifiques comme le trouble de l’évitement ou une restriction de l’ingestion d’aliments (ARFID), sans préoccupation du poids.
La réalité clinique est souvent plus complexe. Le Dr Martinez-Mora précise que : « des conduites alimentaires différentes peuvent aussi coexister chez la même personne ». Autrement dit, des patients anorexiques mangeant très peu, peuvent parfois traverser des périodes de boulimie avec vomissement ou non par exemple. Les vomissements constituent d'ailleurs selon la psychiatre : « un symptôme extrêmement fréquent » qui peut se manifester dans différents contextes : restriction alimentaire, crises d'hyperphagie ou de boulimie, toujours dans l'objectif de « nettoyer, pour perdre cet aliment qui pourrait faire prendre du poids ».
Des maladies psychiatriques à part entière
« Les troubles des conduites alimentaires sont des maladies psychiatriques caractérisées », rappelle le Dr Martinez-Mora. Ces pathologies se caractérisent par « une relation très particulière et très perturbée avec l'alimentation » qui affecte différemment enfants et adolescents. Le principal signe évocateur de la pathologie est la durée de ces troubles. Si ceux-ci perdurent dans le temps, il faut consulter.
L'un des aspects les plus complexes de ces troubles concerne la vision de son propre corps. « L’image corporelle est déformée, elle ne correspond à aucune réalité, mais elle est vécue comme telle par ces patients », explique la psychiatre. En règle générale, les jeunes concernés se perçoivent comme plus gros qu'ils ne le sont réellement et cette perception erronée de soi-même entraîne des troubles et des pertes de poids très, voir trop importantes.
Des manifestations différentes selon l'âge
Les TCA ne se présentent pas de la même manière chez l'enfant et l'adolescent. « C'est un trouble qui va plutôt se déclencher à l'adolescence, justement quand on grandit, quand le corps change », explique Camille Guislain. Cette période de transformation physique et psychologique constitue un moment de vulnérabilité particulier.
Chez l'enfant plus jeune, les manifestations sont différentes : « Ce sont des pathologies psychiatriques plus sévères, explique le Dr Martinez-Mora, notamment autour d’aliments et de restrictions alimentaires très strictes ». Pour les plus petits patients, ce n’est pas la préoccupation du poids, mais plutôt celle de la texture ou du type d’aliment qui entre en jeu. Ces restrictions peuvent s'inscrire dans un contexte délirant ou être associées à d'autres troubles comme l'autisme.
De nouvelles formes préoccupantes
Au-delà des trois pathologies principales, de nouvelles manifestations inquiètent les spécialistes. Camille Guislain observe que : « les réseaux sociaux, le culte du corps musclé et donc du sport et plus précisément de l’obligation autour du sport et de l’équilibre alimentaire est une tendance en forte hausse », ces comportements sportifs excessifs sont communément appelés la bigorexie. L’obsession du « bien manger » peut quant à elle parfois dériver vers des comportements pathologiques comme l’orthorexie. Si pratiquer du sport et s’alimenter sainement sont des bonnes habitudes à adopter, elles deviennent problématiques lorsqu'elles tournent à l'obsession et s'accompagnent d'une préoccupation excessive du corps.
Face à ces troubles complexes qui peuvent revêtir de multiples formes, la vigilance des parents est très importante, même si les professionnels insistent sur un point : « les parents doivent se déculpabiliser, ce n’est pas leur faute ». Les signes d'alerte incluent : des changements brutaux dans les habitudes alimentaires, une préoccupation excessive concernant le poids ou l'apparence physique, des restrictions alimentaires de plus en plus importantes, un rapport obsessionnel au sport, ou encore des comportements de dissimulation autour des repas.
Le Dr Martinez-Mora et Camille Guislain rappellent la nécessité de consulter rapidement des professionnels spécialisés dès l'apparition de ces signes évocateurs. Une prise en charge précoce, incluant évaluations et suivi adaptés, permet d'améliorer significativement le pronostic de ces maladies.